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États Unis

Neo Avant-Garde hongroise 1950s - 1980s

Prix disponibles sur demande.

Le caractère progressiste de l’art hongrois des années 50 jusqu’au XXIe siècle, et notamment dans le domaine de la photographie, reste un aspect relativement méconnu de l’histoire de l’art. Il convient pourtant de célébrer la volonté créatrice de ces artistes pionniers au regard de l’environnement hostile dans lequel ils ont su développer la pratique de la photographie artistique en Hongrie et mettre en œuvre leur talent. A cette époque, l’enfermement du pays, engendré par la division de l’Europe et perpétué par la puissance soviétique, empêchait tout échange idéologique mais aussi culturel avec le reste du monde. La néo-avant-garde hongroise, qui ne renonça pas pour autant à entrer en contact avec le monde artistique occidental, vit en la photographie un médium idéal, peu coûteux et apte à faciliter la diffusion de leur art.

György Aczél, qui fut en charge de la politique culturelle sous le gouvernement de János Kádár, en place de 1956 à 1988, distingua trois groupes d’individus au sein de la scène artistique hongroise : les « soutenus », les « tolérés », et les « bannis ». Les photographes, mis à part les photographes officiels soutenus par le pouvoir, oscillaient entre le groupe des « tolérés » et celui des « bannis ». Par ailleurs, ils ne disposaient pas, contrairement aux autres artistes, tels que les peintres avec Lajos Kassák ou encore les écrivains avec Miklós Mészöly, d’une figure exemplaire à laquelle s’identifier ou s’opposer. Les trois grands photographes hongrois de la génération précédente, à savoir Brassaï, André Kertész et László Moholy-Nagy, avaient en effet quitté le pays avant la seconde Guerre Mondiale. L’esprit avant-gardiste de la nouvelle génération de photographes se constitua donc en l’absence de modèle précurseur.

Malgré ce contexte amplement défavorable, de nombreux photographes de la néo-avant-garde hongroise vont, des années 50 aux années 80, être à l’origine d’une riche production artistique à l’esthétique innovante, encore saisissante aujourd’hui. Certains d’entre eux se tournèrent notamment vers l’abstraction. Parmi les divers photographes s’étant émancipés du carcan réaliste, il convient de citer l’artiste multidisciplinaire Csaba Koncz. Ses photographies, dénuées de tout but narratif, reposent sur un jeu de proportions, de cadrage, et d’effets de flou. Cette forme d’abstraction, que l’auteur nommé Sándor Szilágyi identifie comme « l’abstraction organique », témoigne de l’intérêt de Koncz pour la beauté de l’image et non pas pour l’histoire qu’elle relate.

György Lörinczy est également une figure éminente de la photographie abstraite en Hongrie. Après diverses expérimentations, il produisit des images purement abstraites pour la première fois en 1966 avec la série Stickies dans laquelle il photographia divers liquides, plus ou moins visqueux, en élargissant à l’extrême leurs proportions. Il est à l’origine d’une riche théorisation de la photographie abstraite et deviendra de ce fait une référence pour les photographes des générations suivantes. Son travail n’est pas sans rappeler les expérimentations de la photographe Katalin Nádor qui, à la fin des années 60, réalisa des gros plans de gouttes d’eau et de bulles de savons, créant ainsi des formes et structures géométriques à l’esthétique abstraite.

En Hongrie, la démarche abstraite était loin d’être conforme à l’art officiel réaliste prôné par le pouvoir en place et revêtait de facto un caractère néo-avant-gardiste. Ainsi, le critique Péter Ábel, dans le magazine Foto, soulevait en 1968 la question suivante : « l’abstraction a-t’elle une quelconque place en photographie ? ». Cette question, au-delà de toute dimension esthétique ou plastique, revêtait bien évidemment une dimension politique et illustre parfaitement le caractère dissident attribué, à tort ou à raison, à la photographie abstraite de l’époque. Ainsi l’auteur concluait-il au sujet des photographies de Koncz, qui vécut quelques temps à l’étranger, qu’elles correspondaient au « travail d’un artiste vivant dans les conditions d’une société capitaliste ».

Si l’abstraction est un aspect important de la néo-avant-garde hongroise, elle n’en est pas pour autant l’unique tenant. La figuration fut également une source d’inspiration prolifique pour ces artistes et un lieu d’expression privilégié pour leur désir de renouveau. On peut à ce titre évoquer un genre singulier, propre à la photographie de la néo-avant-garde hongroise, que Szilágyi appelle « visions urbaines ». Ces images, contrairement à ce qu’un premier coup d’œil naïf pourrait nous laisser entendre, ne sont pas le fruit d’une volonté documentaire ou descriptive. Elles sont bel est bien le résultat d’une recherche identitaire et un moyen pour ces artistes de développer un nouveau langage photographique. Gábor Kerekes, avec ses photographies atemporelles et graphiques de la ville notamment, fut sans doute l’ambassadeur le plus notoire de ce genre.

Tout comme les visions urbaines, les autoportraits des photographes de la néo-avant-garde hongroise sont symptomatiques d’une quête d’identité. Ceux de Gábor Kerekes en sont un exemple parlant. Dégradés ou partiels, ils se font l’expression des tourments de l’artiste, affligé par la double vie qu’il mène en tant qu’agent infiltré du ministère de l’intérieur. Les autoportraits de la photographe Szuszi Ujj témoignent quant à eux d’un véritable questionnement sur l’identité féminine et son rôle social, tandis que ceux de György Stalter le mettent en scène, non sans une pointe d’ironie, dans son rôle de photographe.

Mis à part leur propre image, les photographes de la néo-avant-garde hongroise ont également capturé celle d’autrui et ont ainsi exploré le genre du portrait dont ils ont détourné les conventions traditionnelles. C’est le cas notamment de György Stalter et de ses portraits satyriques, mais aussi d’András Balla, renommé notamment pour avoir photographié pendant vingt-cinq ans un ermite du nom d’Imre Borostyán.

Au-delà de ces considérations sur les genres et les sujets qu’ils ont traités, les photographes de la néo-avant-garde hongroise ont élaboré et mis en œuvre différentes pratiques et techniques qui furent en elles-mêmes progressistes. Le recours qu’ils ont eu à la lumière, non plus seulement comme un moyen d’éclairer la scène photographiée mais en tant qu’outil à part entière leur permettant de créer une image, est particulièrement significatif. János Vetó, par exemple, eut l’idée d’utiliser une lampe torche pour dessiner avec la lumière. Le groupe Brettschneider, formé notamment de Tibor Szalai et László Vincze, aménagea quant à lui un procédé appelé « light calligraphy » dont résultent des images mystérieuses qui incarnent une nouvelle forme d’expression photographique.

La notion de séquence est également essentielle pour ces photographes hongrois qui aimaient organiser leurs images en séries, diptyques ou encore triptyques, déjouant ainsi les conventions structurelles et adjoignant à cette occasion un sens nouveau à leurs images. C’est le cas notamment de Károly Kismányoky, de György Stalter, ou encore de János Vetó qui va penser ses images en séquences dès le début des années 70.

Si la reconnaissance de la photographie comme véritable médium artistique s’est établie en Hongrie bien plus tardivement qu’à l’ouest, et notamment qu’en Amérique, la photographie y a pourtant été un véritable vivier d’expérimentations avant-gardistes. Elle fut avant tout un moyen pour les artistes hongrois de s’exprimer autrement, à l’instar de Tibor Hajas qui, malgré sa vocation de poète, voyait dans le médium photographique un moyen de palier à l’obsolescence du langage et une opportunité de transmettre sans détours des idées modernistes. L’originalité même de la langue hongroise forme une barrière que seule la photographie peut percer. La photographie, dans tout ce qu’elle a de frontal, visuel, et surtout démocratique, a donc été un médium privilégié par ces artistes dans l’accomplissement de leurs multiples approches expérimentales, y compris pour ceux qui se destinaient originellement à d’autres médiums, tel que le peintre Imre Kocsis.

Texte par Clémence Vichard

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